Octobre 2012

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30-10-2012. Fusion ARCEP-CSA (suite du 4-10-2012)

Après l'ARCEP, c'est au tour du CSA de remettre sa copie au Gouvernement sur le thème de la fusion... ce serpent de mer aujoud'hui réémergeant. Si la copie du second régulateur est nettement plus brève que celle du premier, elle est, en revanche, tout aussi enthousiaste ! Rappelons que le régulateur des télécoms renvoie la balle au pouvoir politique quant à la future envergure de la régulation audiovisuelle, considérant un rapprochement des deux institutions comme d'autant plus réalisable et souhaitable que le pâté final agrégerait un plantureux cheval et une maigre alouette. Le régulateur de l'audiovisuel, bien conscient de cette asymétrie pondérale des espèces, propose quant à lui la création d'une entité bi-céphale, entendez bi-collégiale, afin que les dimensions éthique et culturelle de la régulation ne meurent pas écrasées sous ses dimensions technique et économique... Bref, si ces deux là finissaient par s'unir, alors nul doute qu'il s'agirait là d'un mariage forcé, au mieux de raison. Mais quelle raison, au juste ? Ou plutôt, quelle rationalité ?

Le CSA est en réalité confronté à un problème autrement plus sérieux qu'il semble l'imaginer et que ses noces éventuelles avec l'ARCEP seraient impuissantes à résoudre. Ce problème est celui de la convergence généralisée entre contenus, entraînant une dilution des contenus audiovisuels dans l'océan des contenus numériques de tous types qui sont désormais accessibles en ligne. La vérité toute crue, c'est que l'audiovisuel est en passe de perdre sa spécificité et que le mot même "audiovisuel" rejoindra sans doute un jour l'ORTF au paradis des vocables désuets. Dans ce contexte nouveau de l'unification, l'hybridation et la dé-linéarisation des contenus, un schéma cible pour la régulation a récemment été dessiné par le think tank Terra Nova : construire une régulation bipolaire, comportant un pôle éthico-culturel et un pôle technico-économique. Le premier pôle, organisé autour d'une CNIL aux pouvoirs très étendus, serait le garant des libertés individuelles, de la protection de la vie privée, de la sécurité des données... et de la diversité culturelle. Le second pôle, organisé autour d'une ARCEP renforcée et de l'ANFR, d'une part exercerait une régulation concurrentielle couvrant à la fois le segment des infrastructures et celui des contenus, d'autre part gérerait l'ensemble du spectre radioélectrique.

Dans ce scénario, que deviendrait l'actuel CSA ? Il exploserait en supernova ! Une première composante trouverait sa place dans le pôle éthico-culturel, en conjuguant toutefois l'objectif de la diversité culturelle avec la réalité de la diversité des contenus. Une deuxième composante, celle traitant aujourd'hui des fréquences, rejoindrait le pôle technico-économique. Une troisième composante, enfin, a vocation à se muer en une commission de supervision de l'audiovisuel public, à la manière du BBC Trust au Royaume-Uni. Trois renaisssances ne vaudraient-elles pas mieux qu'un mauvais mariage ?

Mais, entre le statu quo et l'éclatement, fort heureusement pour le CSA, il existe une "troisième voie", sans doute la plus raisonnable à court et à moyen termes : celle de la co-régulation sans bouleversements institutionnels ; côté contenus, co-régulation avec la CNIL et la HADOPI ; et côté tuyaux, co-régulation avec l'ARCEP et l'ANFR.


29-10-2012. Information et développement durable

Sur le blog du Moniteur, Dominique Bidou nous invite utilement à réfléchir sur les liens entre société de l'information et développement durable. J'ai commenté son intéressante note en soulignant le point suivant, qui me paraît crucial : afin que la société de l'information constitue un progrès pour l'humanité et participe donc pleinement du développement durable, il convient que soient parcourus les trois tronçons de la chaîne qui mène : d'abord de la donnée à l'information, c'est-à-dire d'un fait brut à un fait interprété ; puis de l'information à la connaissance, c'est-à-dire d'un corpus amorphe de faits à un corpus trié et organisé ; et enfin - est-il permis de rêver ? - de la connaissance à la sagesse, c'est-à-dire d'un savoir brut - voire brutal ! - à un savoir maîtrisé et encadré. Au plan des disciplines scientifiques, la première de ces mutations relève de l'informatique, à travers le data mining et son prolongement actuel, dit Big data ; la deuxième relève des sciences de la cognition et de l'action, avec l'étude des processus d'acquisition, d'apprentissage et de décision en économie, en sociologie ou en psychologie ; et la troisième mutation relève de la "science morale", l'éthique, ici appliquée à la protection de la vie privée et à la sécurité des données personnelles. En raison de la convergence d'ores et déjà en germe des TIC, des nano-technologies et des bio-technologies, les "données personnelles" dont ils s'agit franchiront très bientôt la barrière de la peau pour pénétrer le corps humain jusqu'à l'ADN, donnant alors une importance tout à fait singulière à la dimension éthique du développement informationnel durable...


13-10-2012. Free, low cost et emploi

Le modèle low cost, qui consiste à fournir un bien ou un service en assemblant les briques technologiques et managériales les plus récentes, bien loin d'être un artisan de la crise, est tout au contraire un moteur de la sortie de crise ! Pourrait-on sérieusement affirmer que le succès et la croissance d'un Coca-Cola ou d'un McDonalds ont été néfastes à l'emploi mondial ? Les détracteurs de Free devraient y songer aujourd'hui et ils feraient mieux de consacrer toute leur énergie à s'adapter, plutôt qu'à fustiger. La concurrence n'est pas le Diable, mais un simple catalyseur : elle ne fait qu'anticiper et accélérer les gains de productivité dans les secteurs où une évolution technologique rapide les rend possibles... et donc inéluctables. Que cela se produise un peu plus tôt et un peu plus vite est en réalité une opportunité, rendant plus nécessaire et plus urgente encore la reconstruction de l'après-crise. Or, à prétendre tempérer le progrès comme on placerait un thermomètre au réfrigérateur ; à vouloir ralentir les innovations issues de la compétition, dans l'espoir dérisoire d'empêcher des pertes d'emploi directes et à court terme chez les opérateurs de réseaux ; à se livrer enfin à des querelles de chiffres visant à quantifier ces pertes avec précision, à l'aide de modèles pourtant grossiers et inadaptés, notamment parce qu'ils ignorent les externalités, on ne fait que perdre du temps ! Faut-il s'évertuer à protéger à tout prix et en vain ce qui - certes hélas - ne peut pas l'être ? Ou ne vaut-il pas mieux, tout à l'inverse, diriger ses efforts vers les voies d'avenir ? D'une part, faire en sorte que l'emploi se déplace le plus rapidement possible vers le secteur des services numériques, à faible réservoir de productivité et à fort potentiel de créativité, car le modèle du futur reposera sur une hybridation du low cost, pour les commodités, et de la très haute valeur ajoutée (THVA), pour les services. D'autre part, veiller à ce que que le pouvoir d'achat transféré aux ménages grâce au low cost ne soit pas majoritairement consacré à l'achat de produits importés, de Chine ou des États-Unis, mais relance l'activité nationale. En bref, il revient aux entreprises de conduire le changement, plutôt que d'exiger des protections. Et il revient aux pouvoirs publics d'inciter efficacement au renouveau, plutôt que dresser d'inutiles barrages en carton !


4-10-2012. Fusion ARCEP-CSA

La fusion ARCEP-CSA, qui fait couler tant d'encre et circuler tant de bits, me paraît être une manière très réductrice, voire passéiste, d'aborder un sujet d'avenir important, celui de la régulation des espaces numériques. Il est vrai qu'à l'ère d'internet et de la prolifération des contenus en ligne, l'audiovisuel se mêle à l'océan des data et le téléviseur devient un terminal de communication électronique comme un autre. Et ceci plaide fortement pour une mise en cohérence des régulations pratiquées par les deux institutions, donc pour une co-régulation, mais pas nécessairement pour une fusion. L'essentiel est que cette co-régulation technico-économique monte en puissance de manière à traiter des questions concurrentielles surgissant à l'interface entre tuyaux et contenus, qu'elle s'intéresse notamment de près aux enjeux de la télévision connectée et de la neutralité du net. Par ailleurs, L'ANFR devrait être étroitement associée au tandem ARCEP-CSA, afin de rationaliser la gestion du spectre et d'éviter une nouvelle épopée du dividende numérique... Pour réaliser ces objectifs, une fusion institutionnelle de l'ARCEP et du CSA est à mon sens une fausse bonne idée. En effet, la mission historique de régulation déontologique et culturelle dévolue au CSA n'a que très peu à voir avec le volet technico-économique ; cette dernière mission gagnerait, en revanche, à se rapprocher de la régulation des contenus numériques qu'exerce la CNIL. Enfin, une troisième prérogative du CSA, celle de supervision de l'audiovisuel public, n'a pas vocation naturelle à être confiée à un régulateur sectoriel ; elle pourrait faire, à terme, l'objet d'une commission spécialisée externe aux régulateurs, à la manière du BBC Trust au Royaume-Uni.

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