Avril 2013
24-04-2013. Le Gaspimili
Entre 1986 et 1988, le temps d'une cohabitation politique, le Ministre de la Défense, André Giraud, m'avait extrait du monde des télécoms, pour me convier, en compagnie de Jacques Lesourne, à un grand safari économique : la chasse au Gaspimili. En 2000, treize ans après, en contribution aux mélanges rassemblés en l'honneur de Jacques Lesourne, j'avais rédigé un premier récit de chasse intitulé "À la poursuite du Gaspimili". Aujourd'hui, deux fois treize ans plus tard, la revue Stratégique publie un dossier consacré au concept de "sobriété stratégique" et m'invite à rééditer à cette occasion les aventures du Gaspimili. Je n'ai rien touché au charme un peu désuet du camp des dragons et des boulangeries militaires. J'ai simplement ajouté un avant-propos, ainsi qu'une réflexion conclusive sur les rapports entre sobriété, économie et stratégie.
Découvrir ici le texte complet : "Le Gaspimili, ennemi N° 1 de la sobriété stratégique"
16-04-2013. Net-potabilité
Le jeudi 11 avril, je participais à une table ronde de l'IREST, intitulée "Le prix du net". Il y était débattu (une fois de plus !) de la neutralité d'Internet, de la gestion du trafic et du financement des réseaux d'accès de nouvelle génération. Interrogé sur le "coût de la net-neutralité", je me suis permis, à l'issue de cet "imposé" de proposer en "libre" un nouveau concept : celui de net-potabilité !
Ici, l'intégrale du texte que j'ai rédigé dans l'après-coup de mon exposé : du côut de la net-neutralité au goût de la net-potabilité.
Ci-dessous, en forme de billet du jour, la conclusion de ce texte, commentant la notion de net-potabilité.
Parler de net-potabilité, plutôt que de net-neutralité, me paraît revêtir l’immense mérite d’atténuer le caractère d’absolu et de perfection que connote le terme de « neutralité », en évoquant parfaite égalité, parfaite uniformité, parfaite homogénéité… Contrairement au concept de neutralité, celui de potabilité n’est pas absolu : il n’est pas nécessaire que son pH soit strictement égal à 7 pour qu’une eau soit déclarée potable : un certain intervalle d’admissibilité est ouvert. Avec la potabilité, une marge d’acceptabilité existe, ainsi que l’a d’ailleurs consacré l’usage courant de l’adjectif « potable », désignant ce qui est correct, ce qui convient raisonnablement, ce qui est utilisable sans nuire à l’efficacité. De même qu’une eau un peu trop dure ou un peu trop douce respecte encore les normes de « l’aqua-potabilité », de même un flux de données un peu trop lent ou un peu trop sporadique pourrait respecter celles d’une net-neutralité judicieusement réinterprétée en « net-potabilité ».
La net-potabilité est par essence imparfaite, car elle traduit un optimum de neutralité sous contraintes, que j’avais précédemment qualifié de « quasi-neutralité » ; l’idée était juste mais l’expression malheureuse, faisant fondre sur moi les foudres de la blogosphère. La net-potabilité est également par essence variable, car elle dépend du contexte réglementaire et technologique : notamment, elle ne peut être exactement la même sur un réseau fixe et sur un réseau mobile, où le partage du spectre radioélectrique impose des contraintes plus fortes
En conclusion, on l’aura compris, à une net-neutralité sans odeur ni saveur, et surtout inatteignable en raison de son illusoire perfection absolutiste, je préfère quant à moi le charme et le goût discrets de la net-potabilité !
7-04-2013. Souvenir solitaire
Lorsque j’étais adolescent (il y a une quarantaine d’années !), je passais les vacances de neige en famille, dans l’appartement tignard de mes parents. Un jeu de solitaire, dont mon père s’était procuré une version rustique, tablier en bois et billes d’agate, y constituait une des distractions favorites de l’après-ski. L’agencement du jeu était de type « européen » comportant quatre emplacements supplémentaires par rapport à l’agencement dit « anglais », de manière à former un octogone plutôt qu’une croix grecque.
Pour organiser les compétitions sur un pied d’égalité, nous partions tous de la configuration initiale ou la bille enlevée est la bille centrale. Nul d’entre nous n’avait jamais réussi à laisser une seule bille dans la configuration finale. Après plusieurs années de tentatives répétées, mon père avait toutefois obtenu une remarquable régularité, ne laissant systématiquement que deux billes sur le tablier. Mais, avec une non moins remarquable persévérance, il cherchait encore le Graal !
Une année, j’avais invité un camarade de Polytechnique à venir skier avec moi. Alain n’était guère bavard et, le soir, il occupait son silence à observer avec une apparente fascination nos concours de solitaire. Il ne prenait lui-même jamais part aux joutes et semblait perdu dans de profondes réflexions. Au terme de la semaine de vacances, il rompit son silence coutumier pour s’écrier de manière impromptue, entre raclette et salade :
- Mais c’est impossible !
Sommé de s’expliquer, il réclame une feuille de papier sur laquelle il trace un dessin avant de se livrer à la démonstration suivante..