Juillet-Août 2013

 11 août 2013. Fatalisme et transcendance

J'ai complété mon billet d'hier sur "Principe d'audace versus principe de précaution", en y insérant page 3 les deux paragraphes reproduits ci-après. Dans cet ajout, je développe la métaphore d'un film, dont le décideur serait le héros, capable ou non de s'extérioriser du monde de l'écran et d'imaginer le sur-monde dans lequel le film a été réalisé. Tandis que le fataliste demeure confiné à l'intérieur du film, l'auto-transcendant sait s'en extraire par la pensée.

"Le fataliste est enfermé dans le monde où il est évolue. Il est comme un personnage de film ou de roman, qui ne peut imaginer le sur-monde extérieur dans lequel le film a été réalisé ou le roman, écrit. Il ne ressent l’incertitude qu’au sein de ce monde clos, un monde dans lequel il ne sait pas s’il va pleuvoir, ou non, et dans lequel il a l’illusion d’exercer à propos son libre arbitre en se munissant d’un imperméable. L’auto-transcendant, quant à lui, s’extériorise du monde tangible, dans lequel certes il se meut, mais dont sa pensée n’est pas la prisonnière. Il imagine le sur-monde dans lequel « son » monde est plongé, il conçoit que ce monde, tout réel qu’il soit, n’est qu’un monde particulier parmi tous les mondes envisageables au sein du sur-monde : un certain film parmi d’autres possibles, un certain roman parmi d’autres possibles.

Dès lors, l’incertitude se manifeste à l’auto-transcendant sous une espèce très différente de celle qui taraude le fataliste, lorsque celui-ci se demande : « Que va-t-il advenir dans LE monde ? Que me réserve LE film ? Est-ce la pluie, ou bien le beau temps ? ». L’interrogation de l’auto-transcendant s’énonce, quant à elle : « Dans LEQUEL des mondes alternatifs suis-je jeté, dans QUEL film suis-je projeté ? Est-ce un grand film d’aventure où le héros, confiant et parti sans parapluie, ne sera pas trahi par le ciel ? Ou bien est-ce une comédie burlesque où le héros, un pantin ridicule, est systématiquement pris à contrepied par la météo ? ». L’optimisme du fataliste consiste à rêver que, dans l’unique film existant, l’occurrence de la pluie est, par ciel couvert, un peu moins probable que celle du soleil. L’optimisme de l’auto-transcendant consiste à rêver que l’éventualité du grand film d’aventure est un peu plus vraisemblable que celle de la comédie burlesque ; que, dans le tirage aléatoire du monde existant hors du grand chapeau contenant tous les mondes du sur-monde, la conjonction « No K-Way / éclaircie »  est un peu plus probable, par temps couvert, que la conjonction « No K-Way / chute de pluie ». Ainsi, parce qu’il se reconnaît plus volontiers dans une œuvre de John Ford que dans une farce de Buster Keaton, l’auto-transcendant choisit-il « No K-Way » afin de passer entre les gouttes !"

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10 août 2013. K-Way or no K-Way ?

C’est l’été, l’époque des balades pour les amoureux de la montagne. En me promenant régulièrement dans le massif des Bauges, où je réside désormais, je pense souvent avec nostalgie aux longues randonnées sur les sentiers de la Vanoise qu’affectionnaient tant mes parents. Ils les ont inlassablement pratiquées pendant une quarantaine d’années, été après été, depuis leur base de Tignes, nous y entraînant par tout temps, mes frères et moi.

Par tout temps… car, faut-il qu’il m’en souvienne, il n’était pas rare qu’au moment du départ, le ciel, incertain, porte en lui la menace de l’orage ou la promesse de l’éclaircie, selon l’intention qu’on voulait bien lui prêter. En pareille circonstance, ce dilemme shakespearien revenait invariablement : K-Way or not K-way ? Fallait-il, ou non, charger les sacs à dos avec des imperméables, dont nous ne pouvions savoir avec certitude s’ils allaient, ou non, sortir de leur astucieux auto-emballage au cours de la randonnée ? Immanquablement, ma mère recommandait une sage prudence : « Là, on risque très sérieusement la douche, donc on prend les K-Way ! ». Non moins immanquablement, mon père la rabrouait avec la douce fermeté dont il était coutumier : « Ah bon, tu crois cela, Perrine ? Allez, les enfants, nous partons sans les K-Way et, vous verrez, il va faire grand beau ! Ces quelques nuages matinaux ne donneront absolument rien, ils vont bien vite se dissiper ! ». Le chef ne pouvant avoir tort, nous partions systématiquement sans protection contre la pluie, malgré les grommellements de ma mère, qui laissaient mon père de marbre.

L’incertitude probabiliste finissant toujours par se dévoiler dans la fréquence statistique, nous étions « rincés » environ une fois sur deux, un peu moins souvent prétendait mon père (un point sur lequel nous reviendrons plus loin). Avec la même régularité alternée, le parent auquel le ciel avait donné raison, chacun dans son style, savourait son triomphe au retour de balade. Nous assistions donc à l’une des deux scènes suivantes. Lorsque l’orage avait éclaté, ma mère de s’écrier, tout en frictionnant les dos frissonnants de ses rejetons trempés : « C’est bien la dernière fois que je me laisse faire ! La prochaine fois tu m’écouteras ! C’est malin, tu es satisfait, je suppose ? Maintenant, on va tous attraper la crève ! ». Et mon père de suggérer, irénique : « Dis-moi, Perrine, si tu nous préparais plutôt une bonne raclette, car nous l’avons tous bien méritée, n’est-ce pas, les enfants ? ». Lorsque, au contraire, le temps avait viré au beau fixe, mon père de pavoiser : « Je vous l’avais bien dit : on ne prend pas de K-way et le soleil se montre ! Un peu de confiance, que diable ! Ah quelle belle journée, hein Perrine ? Si tu nous préparais une bonne raclette, pour fêter cela ? ». Et ma mère de grogner en déballant le fromage : « Pfff ! Pur coup de chance ! On aurait tout aussi bien pu prendre l’orage… et alors, tu peux me dire, hein,  comment on aurait fait, sans les K-way ? ».

La trace de ce rituel estival est conservée dans ma mémoire comme un plaisant souvenir, dont l’évocation récurrente me plonge dans une agréable nostalgie. Jusqu’à aujourd’hui, je n’avais guère réfléchi en profondeur aux ressorts psychologiques qui animaient respectivement ma mère et mon père dans leur conflit bénin. Pour moi, cette querelle de théâtre ne faisait que mettre en scène la banale opposition entre le naturel pessimiste et prudent de l’une et le naturel optimiste et aventureux de l’autre. Mais, ça, c’était avant ! Avant que je ne découvre, à travers mes discussions avec le philosophe Jean-Pierre Dupuy, les secrets du paradoxe de Newcomb et la force de l’auto-transcendance, avant que je ne comprenne que le « principe d’audace », observé par mon père, ne saurait être réduit à la négation du « principe de précaution », observé par ma mère. Ces deux principes sont en effet de natures radicalement différentes : il serait erroné d’affirmer que l’un est le moteur des optimistes et l’autre, celui des pessimistes ; et beaucoup plus pertinent de voir en l’un le moteur des auto-transcendants et en l’autre, celui des fatalistes.

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9 juillet 2013. Régulation réflexive

Je dois intervenir en septembre prochain à la Florence school of regulation, dans un séminaire consacré à la "régulation réflexive". Voici le teaser de ma contribution !

From classical to relativistic mechanics of regulation in network industries

Exploring the scientific foundations of economic regulation leads us to examine the reciprocal mechanism that links a regulatory device to its regulated system. This reflexivity evokes the modern concept of gravitation as it is defined in relativistic mechanics, contrasting with the standard gravitation as issued from classical mechanics. Indeed, the regulation of a network industry should no longer follow a heliocentric classical model, where operators  feature as passive planets orbiting around a "sun-regulator". An effective regulation should rather look as gravitation in the theory of general relativity, i.e. originate in a geometric reshaping of the market place, seen as a space-time continuum. This reshaping is created by the actors present in the industry, seen as celestial bodies, themselves moved in turn by the field of forces they contribute to generate. The Einsteinian regulation, as opposed to the Newtonian one, is as much transformed by the actors in the market as it impacts them, in a loop of dynamic interpendency.


6 juillet 2013. La ville, les TIC & l'énergie

Dans le cadre du Conseil scientifique de GDF Suez, j'ai travaillé avec Dominique Bidou et Koenraad Debackere sur le thème des smart cities, déjà plusieurs fois abordé dans ce blog. Pour ouvrir le bal des billets de l'été, voici, en avant-première, le texte de l'interview que Koenraad et moi venons d'accorder à DRI NEWS, la lettre interne d'information de la Direction de la recherche et de l'innovation au sein de GDF Suez.

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