Septembre-Octobre 2013 - Ville vivante
25 septembre 2013. Vivre dans une ville vivante
En guise de billet du jour, la matière d'une interview accordée le 23 septembre à Céline von der Weid sur la ville de demain...
1/ Quels sont pour vous les axes de recherche et d’innovation actuels les plus porteurs pour la ville de demain dans le domaine du numérique ?
Le numérique pénètre la ville selon deux axes complémentaires et de directions opposées.
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D’une part, un axe top-down, consistant à utiliser les technologies numériques afin d’optimiser d’une manière coordonnée la mobilité, l’habitat, l’environnement, ainsi que l’ensemble des réseaux et services urbains ; optimiser, c’est-à-dire rendre la ville plus sobre en énergie, moins émettrice de gaz à effet de serre. Cette démarche est top-down car l’objectif peut en être prédéfini par un « planificateur bénévolent » et les stratégies de mise en œuvre peuvent être, dans une certaine mesure, programmées.
- D’autre part, un axe bottom-up, consistant à placer les technologies numériques entre les mains de leurs utilisateurs urbains, afin que ceux-ci inventent et développent par eux-mêmes les usages et les services correspondant le mieux à leurs besoins, en temps réel et de façon adaptative et dynamique. Cette démarche est bottom-up car elle émane de la base, de la foule. Elle est par ailleurs créative, imprédictible et donc non planifiable.
2/ Pour vous, qu’est-ce qu’une ville vivante et en quoi ces diverse solutions développées aujourd’hui peuvent-elles la favoriser ?
La transition est aisée ! Pour moi, une ville vivante est une ville située à la croisée des deux axes top-down et du bottom-up, à la fois une ville « responsable », qui s’inscrit délibérément dans les exigences du développement durable ; et une ville « audacieuse », qui ouvre la porte à l’invention collective. En voici deux illustrations, choisies dans chacun des deux registres.
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Dans le registre « ville responsable », les habitants d’une moyenne agglomération envisagent la valorisation de la biomasse créée sur leur commune, examinent les modalités de traitement des boues d’épuration. Ils débattent puis décident ensemble, selon une procédure de démocratie participative locale, assistée par des outils de communication en ligne.
- Dans le registre « ville audacieuse », les handicapés d’une grande métropole créent une application géolocalisée pour smartphone, dont la base de données est mise à jour en permanence par les membres mêmes de la communauté ; cette application signale à chacun, selon sa position, la présence d’obstacles nouveaux et imprévus dans la ville.
Dans ces deux exemples, on remarque que l’innovation se situe davantage dans l’initiative sociale que dans la performance technologique. La ville vivante, la ville « intelligente », naît ici d’un alliage entre : d’un côté, des outils numériques très simples, déjà disponibles ; de l’autre côté, des projets humains originaux, fortement novateurs.
3/ Trois adjectifs pour définir une ville vivante.
Imaginant qu’elle soit un objet mathématique, une ville vivante doit être « distributive », « associative » et « réflexive ».
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Distributive, au sens où elle doit tirer le meilleur parti d’une intelligence distribuée entre une multitude d’acteurs, opérateurs de réseaux, entreprises de services, planificateurs urbains, équipes municipale et, bien entendu, citoyens.
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Associative, au sens où elle doit renforcer le lien social, développer la solidarité, encourager la coopération, effacer les ghettos, rallumer les quartiers éteints, revivifier les cœurs de cité. Bridging et linking sont ici les vertus cardinales !
- Réflexive, au sens donné à ce terme par le sociologue Pierre Bourdieu : la gouvernance de la ville, elle-même un système distribué, doit se retourner sur elle-même et remettre constamment en question son cadre d’analyse, ses objectifs, ses procédures, ses stratégies, voire même sa structure, afin de mieux anticiper les conséquences induites par les mutations urbaines et se mettre ainsi en capacité d’orienter ces mutations en pleine conscience.