Janvier 2013 - Précaution (suite)

11-01-2013. Précaution versus dissonance (suite)

Le billet du 5 janvier contenait quelques imperfections, voire inexactitudes ! Voici, en suivant ce lien, une version complète revue et corrigée, dont la synthèse (sans maths !) constitue le billet du jour !

Notre contribution revisite la théorie économique de la décision face à l'incertain, en reliant le concept de précaution à celui concept de « dissonance cognitive », dû au psychosociologue américain Léon Festinger. L'idée fondatrice est qu'un sujet placé dans une situation d'incertitude « achète » de la précaution au prix d’assumer une certaine dissonance cognitive entre sa croyance précautionneuse et sa connaissance a priori du risque auquel il est confronté.

Plus précisément, en tenant compte des caractéristiques intrinsèques d’un contexte incertain, c’est-à-dire des conséquences des occurrences alternatives en termes de revenu, ainsi que d’une distribution de probabilités de « référence » (objective ou subjective), le sujet forme une croyance, ou distribution de probabilités « opératoire ». Cette croyance, d’une part reflète un certain niveau de précaution, en sous-valorisant dans une proportion fixée l’espérance de revenu par rapport à l’espérance calculée avec la distribution de référence ; d’autre part, la croyance minimise la dissonance cognitive vis-à-vis de la distribution de référence, conditionnellement au niveau de précaution choisi par le sujet. La croyance de « dissonance minimale à précaution fixée » est la distribution « opératoire », au sens où elle est utilisée, plutôt que la distribution de référence, pour calculer l'espérance d'utilité et donc pour comparer entre eux différents risques.

La « résistance » d’un sujet à s’écarter de la connaissance de référence pour secréter de la croyance est mesurée par sa « température cognitive » T, mesurée en degrés Shannon (°S) : un sujet infiniment chaud est parfaitement rationnel et ne se fie qu’à son savoir a priori, en calant sa croyance sur la distribution de référence ; un sujet de température nulle est infiniment précautionneux et n’envisage que l’occurrence du pire, sur laquelle il « gèle » sa croyance comme certitude de mauvais augure ; entre ces deux extrêmes, un sujet de température finie sous-pondère les occurrences les plus favorables et surpondère les moins favorables, d’une manière d’autant plus marquée que sa température cognitive est faible.

L’analogie thermodynamique est ici parlante : à la manière d’un gaz en équilibre, dont la néguentropie est minimale pour un niveau donné d’énergie interne, un sujet est en état « d’équilibre cognitif » lorsque sa dissonance cognitive  (conflit entre sa croyance et sa connaissance) est minimale à précaution donnée. De même que la température physique est le taux marginal de conversion de l’entropie en énergie calorifique, on montre que, au voisinage de l’équilibre cognitif, la température cognitive T du sujet est le taux marginal de conversion de la dissonance cognitive en précaution : autrement dit, gagner un « point » de précaution, soit 1 « Securit », oblige le sujet à transiter vers un nouvel équilibre où devront être assumés T bits de dissonance cognitive supplémentaires ; une sur-précaution de 1 securit s’achète ainsi au prix de T bits de spéculation cognitive !

Cette nouvelle approche des choix face à l’incertain, en termes de "thermocognitique", permet de rendre compte de plusieurs paradoxes inexpliqués par les théories standard de Von Neumann et de Savage, notamment le paradoxe d’Allais.

Informations supplémentaires