Février-Mars 2013
21-03-2013. Smart cities & Innovation ouverte
Je suis intervenu hier lors du 5 Plus City Forum "Ma vie, ma ville, dans cinq ans"
Voici le texte dont j'ai extrait ma présentation orale.
• Le mariage de la ville et des technologies de l’information, que célèbre notamment ce forum, est consacré par le vocable smart city, désignant la connexion de la ville aux réseaux de communication électronique, signant l’inscription des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans la ville.
• On ne marie certes pas là deux inconnus : la ville et les TIC se fréquentent déjà de longue date, la ville est truffée de capteurs et de senseurs, une multitude de données sont enregistrées et stockées en permanence. Ces données ne demandent qu’à être analysées et traitées. On entre dans l’ère du Big data et, si possible, de l’Open data, où les données sont non seulement abondantes, mais encore mises en partage entre les acteurs urbains, au service du plus grand nombre.
• Qui se ressemble s’assemble : les deux mariés, la ville et les TIC, présente de nombreux points de similitude : dans la ville physique, comme dans l’espace électronique, on trouve des galeries marchandes, des lieux d’hébergement, des espaces de loisirs, des espaces de rencontre, des quartiers plus ou moins bien fréquentés, des partenaires fiables mais aussi, hélas, des criminels et des escrocs. Les réseaux d’information et la ville ont véritablement un ADN commun.
• Autre caractère partagé, dans la ville, comme sur le Web, le moteur du changement est l’innovation. L’innovation, par nature, est ouverte, fluide, peu prévisible elle ne peut être totalement encapsulée dans des projets prédéfinis. En réponse à ceux qui prétendent planifier et réguler Internet, Vinton Cerf, père du protocole TCP/IP, aurait rétorqué : « Sauriez-vous résoudre le problème de mécanique suivant ? Soit un plat de spaghettis, placé dans une lessiveuse en marche, elle-même plongée dans le tambour d’une bétonneuse, suspendue à un pont de lianes, pendant un tremblement de terre. Veuillez SVP déterminer le mouvement du ketchup ! » . Mutatis mutandis, la même image s’applique à la mouvance ininterrompue de la ville, à son « impermanence ».
• Enfin la ville, à l’instar du Web, n’est pas qu’un outil, un instrument au service des besoins humains. C’est un milieu « englobant », un objet total au sens de la philosophie, qui ne se réduit pas au catalogue de ses usages prévus, un objet profondément imprédictible, dont l’existence, turbulente et génératrice de surprise, transcende une essence sans cesse fuyante : Internet, parce qu’il affecte la dimension cognitive de l’activité humaine, n’est pas qu’un réseau d’échange d’informations, c’est avant tout un creuset permanent d’innovation. De même, la ville n’est pas qu’un système cybernétique « logement-emplois-transports », c’est un lieu de vie, un écosystème biologique. Le Grand Paris, ce n’est pas seulement des métros et des logements supplémentaires ! Du moins, espérons-le vivement !
• Avec cette vision à l’esprit, il apparaît que les technologies IC jouent un double rôle dans leur rapport à la ville :
- d'un côté, ces technologies fournissent aux différents opérateurs urbains une « infostructure » ouverte, une plateforme, permettant d'optimiser de manière coordonnée, énergie, eau, déchets, environnement, mobilité… Tel est l’aspect sur lequel on insiste le plus généralement ;
- d'un autre côté, les technologies IC fournissent aux habitants, aux citoyens et aux visiteurs de la ville les moyens de développer, à leur propre initiative et de manière auto-organisée, des activités innovantes, favorisant les échanges, la vie de quartier, le « mieux être dans la ville ». Ce second aspect est tout aussi primordial que le premier.
• La publicité offre une illustration de cette dualité optimisation / bien-être, frappant notre imaginaire. S’agissant de l’aspect optimisation, pensons aux spots présentant les sites de rencontres en ligne comme des algorithmes « d’optimisation affective » : si, dans le passé, tu as connu des échecs affectifs, c’est parce que tes rencontres n’étaient pas assez calculées ! Et s’agissant de l’aspect « vivre bien ensemble dans la ville », pensons à ce spot vantant les mérites d’une tablette 3G, mise en scène comme un accessoire ludique et même jubilatoire, mis au service d’une rencontre « naturelle » : avec une tablette, tu peux aussi tomber amoureux ! Ici, la ville intelligente utilise des technologies sans contact… au service du contact humain. S’il est un temps pour la rationalisation et la prise en main il est aussi un temps pour le laisser vivre et le lâcher prise.
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23-02-2013. TIC et conditions de travail
L’impact des TIC sur la vie quotidienne est un sujet qui passionne. Les uns de louer les bienfaits engendrés par un accès universel et immédiat à l’information, les autres de dénoncer les dangers d’une dépendance, voire d’une addiction, aux outils de l’informatique personnelle communicante. Le plus généralement, l’attention médiatique est portée sur la sphère privée et on parle beaucoup moins des effets produits par les TIC au sein de la sphère professionnelle, en dehors bien-sûr des effets sur l’emploi, amplement débattus (souvent à tort et à travers !) depuis l’entrée fracassante de Free sur le marché mobile en janvier 2012. Contribuant à combler ce vide, un récent rapport du Centre d’analyse stratégique du Premier ministre et de la Direction générale du travail (DGT) est spécifiquement consacré à l’impact des TIC sur les conditions de travail. Une présentation en a été faite par Daniel Ratier, l’un des deux rédacteurs avec Tristan Klein, devant la commission TIC de l’Académie des technologies. Voici ce que j’en ai retenu.
06-02-2013. Diophante et Hypatie
En ces temps reculés, exerçait au lycée d’Alexandrie un vieux professeur de mathématiques spéciales, nommé Diophante. L’homme avait acquis une solide réputation en plaçant régulièrement chaque année deux ou trois de ses disciples aux écoles normales de Milet et d’Alexandrie. Maintenant proche de la retraite, et sentant le temps compté, il se consacrait tout autant au développement de ses recherches personnelles qu’à ses enseignements. Il préparait un traité d’arithmétique et apportait à cet ouvrage le soin jaloux que mérite un legs précieux aux générations futures. Il y travaillait sans relâche et il y pensait sans cesse, même durant les heures de cours que lui imposait sa charge.
Dans les débuts de la rédaction de son grand-œuvre, il pensa tout d’abord que l’obligation fâcheuse de devoir continuer ses leçons allait ralentir l’avancement de son traité. Mais il remarqua vite que les plus brillants de ses disciples, à défaut d’être capables d’imaginer et démontrer par eux-mêmes les puissants théorèmes dont lui-même accouchait, étaient en revanche parfaitement en mesure d’en reformuler les preuves, pour peu qu’il leur en indique le fil conducteur. Il profita dès lors des « colles » (séances d’interrogation, NDLR), pour soumettre sous la forme d’un exercice tel ou tel résultat exposé dans son livre en gestation, dont il souhaitait contrôler la démonstration.
Cette pratique alla bien au-delà de ses premières espérances : certains disciples proposaient en effet une preuve plus rapide et plus élégante que celle qu’il avait initialement conçue, d’autres suggéraient des pistes nouvelles ou des généralisations. Bref, son travail s’était trouvé grandement enrichi par cette collaboration cachée. Et comme celle-ci lui semblait d’autant plus efficace qu’elle demeurait secrète, il la maintenait, telle tout en gardant note sur ses tablettes des apports les plus originaux ou les notables, afin de rendre collectivement justice à leurs auteurs lors la parution du fameux ouvrage. Diophante était ainsi devenu sans le savoir le père du travail communautaire, du crowd-sourcing et du creative commons !
Cette année là, le majorant (premier, NDLR) de la classe du professeur Diophante était une majorante et elle s’appelait Hypatie… La scène se déroule au lycée d’Alexandrie, sur l’agora des prépas.
- Hé ! Synésios, où cours-tu donc si vite ?
- Salut à toi, Isidore ! J’ai colle de maths avec Δiouf… et je te signale d’ailleurs que toi ζ’aussi !
- Par Zeus et Héra réunis, ce détail m’avait échappé… J’arrive !
- Oups, les gars ! Alors, on attend plus les copines ?
- Hi ! Hypa ! On est tous les trois à la bourre, le vieux Δiouf va encore ronchonner, c’est clair…
- Voyons, voyons : Mademoiselle Hypatie, Messieurs Isidore et Synésios, nous voici donc enfin au complet ! Ne perdons plus de temps, voulez-vous, jeunes-gens ?
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