Novembre 2012 - Être neutre ou ne pas l'être
8-11-2012. Neutralité n'est pas homogénéité
Le concept de neutralité d'Internet est souvent confondu, à tort, avec celui de non-discrimination du trafic. Une telle assimilation semble acceptable à première vue et en première approximation, lorsqu'il s'agit simplement de bannir le blocage des contenus ou encore la discrimination à l'évidence anti-concurrentielle. La confusion entre neutralité et non-discrimination devient en revanche inappropriée à seconde vue, lorsque l'on considère l'exigence d'une gestion efficace du trafic, du côté de l'offre, ou encore la grande diversité des requêtes des utilisateurs, du côté de la demande. Une neutralité qui ignorerait cette exigence comme cette diversité, une neutralité comprise commme la nécessité d'une homogénéité "pure et parfaite", serait absurde, car tout à la fois, elle dégraderait la qualité de service et ne répondrait pas aux besoins !
Afin d'appréhender clairement les débats en cours, il est indispensable de disposer d'une définition spécifique et non ambiguë de la notion de neutralité. Lors d'un prochain séminaire organisé dans le cadre (fort agréable) de l'Institut Universitaire Européen de Florence (EUI), je proposerai une possible définition formelle de la neutralité, basée sur un principe de "différenciation sélective". En très bref, il est admissible que certaines variables soient discriminantes, et il est exigible que d'autres ne le soient pas. Alors, selon la teneur et l'extension des critères de discrimination admissibles, la neutralité est adaptative : elle peut prendre des visages contrastés dans des contextes technologiques ou politiques différents, elle peut également évoluer au cours du temps dans un contexte donné. Cette grille d'analyse flexible paraît propice à discuter et comparer les grands enjeux liés à la neutralité, tels qu'ils sont respectivement débattus sur les scènes européenne et nord-américaine.
La "théorie de la différenciation sélective", ou de la "neutralité adaptative", n'est en définitive pas tès éloignée du concept de "quasi-neutralité", ou de "neutralité sous contraintes", ou de "neutralité de second rang", que j'avais lancé il y a deux ans lors d'un colloque de l'ARCEP, un peu imprudemment il est vrai, au vu de la violence des réactions sur la blogosphère... Mais, si j'ose dire, ma nouvelle formulation est nettement plus neutre que l'ancienne, plus précise aussi, et j'espère ainsi qu'elle éclairera les esprits, davantage qu'elle ne les choquera ! Je posterai bien-sûr mon intervention de Florence sur le site... dès qu'elle sera écrite !