Janvier 2013
29-01-2013. Chèvre de Robinson et bug neuronal
Lapsus, quand tu nous trahis ! Lorsque nous parlons, il arrive que la conscience abaisse son niveau de vigilance et que l’inconscient profite de la faille ainsi ouverte pour s’y engouffrer sans vergogne. Le lapsus linguae surgit lorsque le cerveau, au lieu de maîtriser l’énonciation, relâche son attention, laisse libre cours à des associations libres et se prend au piège d’assonances incontrôlées. C’est ainsi que, sur un plateau de télévision, inflation est devenue fellation dans la bouche (si l’on peut dire !) de l’infortunée Rachida Dati. Quelle chance qu’elle n’ait point tenté de se rattraper en promettant, à l’avenir, de tourner sept fois sa langue ! Mais comment lui jeter la pierre, alors que nous sommes tous les victimes en puissance de nos pulsions inconscientes ? Dans le cas de l’ex-Ministre, le mécanisme du lapsus, sinon sa cause, est d’une clarté aveuglante : la sonorité du mot manqué et celle de son indésirable substitut sont suffisamment voisines pour que l’un de ces mots « appelle » l’autre naturellement, lorsqu’une barrière de contrôle s’abaisse. Dans l’aventure personnelle que je vais maintenant relater, le processus est beaucoup plus détourné et je ne l’ai élucidé que tout à fait fortuitement, plusieurs années après les faits… Mais tout d’abord, un petit détour par la théorie économique !
Nous sommes en 1995. Je prépare la leçon que je dois donner le lendemain à l’École Polytechnique. Au programme : l’effet d’une asymétrie d’information sur le fonctionnement d’un marché...
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23-01-2013. Utilité, tempérance, risque & initiative
Dis moi quelle utilité te procure l’argent et je te dirai qui tu es, ou du moins comment tu te comportes… en toute circonstance, ou presque ! L’opportunité de t’enrichir ou l’éventualité d’un revers de fortune éveillent-elles en toi une certaine tempérance, ou bien excitent-elles au contraire ta fibre aventureuse ? Es-tu avide ou inquiet ? Selon ton attitude face au gain ou à la perte, tu seras plus ou moins enclin à la prise de risque, plus ou moins porté à la prise d’initiative. La modélisation économique contribue, dans une certaine mesure, à rendre compte de ta disposition à agir avec prudence ou témérité dans un contexte incertain, de ta propension à te lancer avec audace ou précaution dans un projet de l’avenir. Es-tu un joueur ou un timoré, es-tu un entrepreneur ou un rentier ? Les réponses à ces questions sont codées dans les gènes qui gouvernent ta perception de la richesse !
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16-01-2013. Différenciation on-net/off-net
Par sa décision N°12-D-24 du 13 décembre 2012, l’Autorité de la concurrence sanctionne Orange et SFR à hauteur de 183 millions d’euros, pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, à travers des offres d’abondance portant sur les appels on-net (intra-réseau). Le but de ce billet n’est pas de juger du bienfondé de la décision de l’Autorité, mais d’une part d’en examiner l’argumentaire d’une manière pédagogique et accessible à des non-spécialistes et, d’autre part, d’apporter quelques précisions sur la portée de ma propre étude de l’effet économique de la différenciation tarifaire off-net/on-net, citée à deux reprises dans le texte de la décision (aux paragraphes 515 et 572).
11-01-2013. Précaution versus dissonance (suite)
Le billet du 5 janvier contenait quelques imperfections, voire inexactitudes ! Voici, en suivant ce lien, une version complète revue et corrigée, dont la synthèse (sans maths !) constitue le billet du jour !
Notre contribution revisite la théorie économique de la décision face à l'incertain, en reliant le concept de précaution à celui concept de « dissonance cognitive », dû au psychosociologue américain Léon Festinger. L'idée fondatrice est qu'un sujet placé dans une situation d'incertitude « achète » de la précaution au prix d’assumer une certaine dissonance cognitive entre sa croyance précautionneuse et sa connaissance a priori du risque auquel il est confronté.
Plus précisément, en tenant compte des caractéristiques intrinsèques d’un contexte incertain, c’est-à-dire des conséquences des occurrences alternatives en termes de revenu, ainsi que d’une distribution de probabilités de « référence » (objective ou subjective), le sujet forme une croyance, ou distribution de probabilités « opératoire ». Cette croyance, d’une part reflète un certain niveau de précaution, en sous-valorisant dans une proportion fixée l’espérance de revenu par rapport à l’espérance calculée avec la distribution de référence ; d’autre part, la croyance minimise la dissonance cognitive vis-à-vis de la distribution de référence, conditionnellement au niveau de précaution choisi par le sujet. La croyance de « dissonance minimale à précaution fixée » est la distribution « opératoire », au sens où elle est utilisée, plutôt que la distribution de référence, pour calculer l'espérance d'utilité et donc pour comparer entre eux différents risques.
La « résistance » d’un sujet à s’écarter de la connaissance de référence pour secréter de la croyance est mesurée par sa « température cognitive » T, mesurée en degrés Shannon (°S) : un sujet infiniment chaud est parfaitement rationnel et ne se fie qu’à son savoir a priori, en calant sa croyance sur la distribution de référence ; un sujet de température nulle est infiniment précautionneux et n’envisage que l’occurrence du pire, sur laquelle il « gèle » sa croyance comme certitude de mauvais augure ; entre ces deux extrêmes, un sujet de température finie sous-pondère les occurrences les plus favorables et surpondère les moins favorables, d’une manière d’autant plus marquée que sa température cognitive est faible.
L’analogie thermodynamique est ici parlante : à la manière d’un gaz en équilibre, dont la néguentropie est minimale pour un niveau donné d’énergie interne, un sujet est en état « d’équilibre cognitif » lorsque sa dissonance cognitive (conflit entre sa croyance et sa connaissance) est minimale à précaution donnée. De même que la température physique est le taux marginal de conversion de l’entropie en énergie calorifique, on montre que, au voisinage de l’équilibre cognitif, la température cognitive T du sujet est le taux marginal de conversion de la dissonance cognitive en précaution : autrement dit, gagner un « point » de précaution, soit 1 « Securit », oblige le sujet à transiter vers un nouvel équilibre où devront être assumés T bits de dissonance cognitive supplémentaires ; une sur-précaution de 1 securit s’achète ainsi au prix de T bits de spéculation cognitive !
Cette nouvelle approche des choix face à l’incertain, en termes de "thermocognitique", permet de rendre compte de plusieurs paradoxes inexpliqués par les théories standard de Von Neumann et de Savage, notamment le paradoxe d’Allais.
5-01-2013. La précaution au prix de la dissonance
Bonne année 2013 à tous les visiteurs du site !
Ces vœux sont placés sous le signe de la réflexion scientifique, car je suis en train de rédiger un essai, bientôt posté sur ce site, qui revisite la théorie économique de la décision face à l'incertain en se fondant sur le concept de "dissonance cognitive" dû au psychosociologue américain Léon Festinger. Dans ce billet un peu "technique", disponible ici en version PDF, les grandes lignes de ma démarche !